J'aurai de l'or : je serai oisif et brutal.
Extrait d'Une Saison en Enfer. 1873
De l'exclusion à la consécration
Il est vrai que Rimbaud a trop souvent été précédé par sa réputation de rebel sulfureux reléguant à l'arrière plan son message et sa poésie, en 1874 année où il tire un trait définitif sur la poésie son oeuvre est très méconnue, seuls quelques poèmes ont été publiés ainsi que le recueil "Une Saison En Enfer" que Rimbaud a fait éditer à compte d'auteur, mais son attitude outrageuse et sa relation avec Verlaine font de lui un paria dans le Paris littéraire qui le rejette.
En 1884 Verlaine publie "Les Poètes Maudits" recueil dans lequel il présente des poètes contemporains méconnus comme Tristan Corbière, Stéphane Mallarmé et bien sûr Arthur Rimbaud, à partir de là toute une nouvelle génération dans laquelle on trouve Moréas, Kahn, Adam, Wyzewa, Dujardin, Fénéon, Laforgue, voit en Rimbaud un précurseur. En 1886 Le Figaro publie un manifeste littéraire dans lequel Jean Moréas définit les orientations d'un nouveau mouvement : le symbolisme, et revendique l'influence de Rimbaud. La même année la revue La Vogue publie Une Saison en Enfer et les Illuminations ce qui contribue à faire de plus en plus parler de lui dans les milieux littéraires.
A des milliers de kilomètres de là, au propre comme au figuré, Rimbaud se débat avec des cargaisons de fusils et le roi Ménélik, alors que son oeuvre est enfin appréciée à sa juste valeur et fait de lui un poète génial et visionnaire.
Cependant, jamais il ne reviendra sur sa carrière littéraire qu'il condamnera d'une phrase sans appel: "Tout cela n'était que des rinçures;" écrira-t-il.
Au vingtième siècle
Dans les années 20, André Breton et les surréalistes, Eluard, Aragon, Desnos, Artaud etc... se réclament de Rimbaud et, bien qu'ils condamnent son abandon brutal de la poésie ils n'en reconnaissent pas moins un précurseur.
En effet, le surréalisme fortement influencé par Freud et ses récentes découvertes sur l'inconscient ne peut être que séduit par Rimbaud qui sans le savoir parlait déjà d'accéder à l'inconnu par un long immense et raisonné dérèglement de tous les sens, et des phrases comme on ne devrait pas dire je pense mais on me pense, ou je est un autre prouve que Rimbaud sentait déjà confusément qu'au delà de la raison et du discernement existe un terrain d'investigation encore inexploré et susceptible de susciter une inspiration poétique nouvelle, ce qui conduira les surréalistes sur les chemins de l'écriture automatique "Les Champs Magnétiques".
Aux états unis
Aux états unis dans les années 50 les auteurs de la beat generation, Kerouac, Ginsberg, Cassady reprennent Rimbaud à leur compte et voient dans L'homme aux semelles de vent le premier "clochard céleste", mystique épris de liberté. Sa poésie est le reflet parfait de cette irrésistible appel du voyage, la route encore et toujours, cette route sur laquelle le héros de Kerouac sait qu'un jour ou l'autre on lui tendra la perle rare, Rimbaud incarne parfaitement cette philosophie du départ vers un ailleurs, ainsi que le mot d'ordre de l'époque: On the road.
Les tumultueuses années 60 et 70 verront aussi dans le Voyant un grand frère spirituel et beaucoup de leaders de la contre culture, notamment dans le rock, comme Bob Dylan, Jim Morrison, ou Patti Smith se réclameront de Rimbaud.Bien que son message a parfois été déformé et interprété un peu à l'emporte pièce pour coller aux circonstances du moment, qui mieux que Rimbaud pouvait représenter l'esprit de cette époque de contestation de remise en question et de recherche d'expériences nouvelles ?
